INTERVIEW DE STOUL
❖ D'où te vient cette passion pour le street art ?
Dès l'enfance, j'ai grandi à Paris dans le 14eme, j'observais avec fascination ces œuvres un peu partout les graffs sur la ligne 6 du métro, les pochoirs à la butte aux cailles, ... Ces peintures interdites que tout le monde peux voir m'attiraient, je voulais en faire moi aussi. Vers 13 ou 14 ans, dans un placard chez moi, je suis tombé sur un vieux stock de peinture en bombe pour voiture, avec des amies nous les avons utilisées pour peindre dehors, et puis j'ai un peu continué pendant des vacances en province ensuite je suis passé à autre chose avec mes études à l'Ecole Boulle tout en gardant un œil sur ce qui se faisait. Après j'ai vadrouillé dans les squats, il y a toujours eu des gaffeurs et des Street artistes dans mon entourage. Mes premiers grands murs je les ai faits avec les 7MR en 2006.
❖ Y-a-t-il un artiste ou une œuvre en particulier qui t'a donné envie ?
Il y en a plein qui m'ont marqué ! Je me rappelle d'un Mr André juste en face de chez moi sur un mur de la ligne 6, il est resté super longtemps ! Je me rappelle aussi qu'à un premier de l'an les TSM avaient complètement graffé les murs du quai de la station de métro St Jacques avec un petit message de bonne année, ça me donnait le sourire.
❖ Quelle est ta démarche artistique ?
En ce moment je travaille sur une transformation géométrique de l'humain dans un espace construit de nouveaux paysages urbains. Je m'interroge graphiquement et plastiquement sur l'environnement, l'architecture, l'urbanité. J'utilise toutes les couleurs franches du cercle chromatique, et des camaïeux, parfois des couleurs neutres et des monochromes blancs, ça dépend des projets.
❖ Pense-tu que le fait d'être une femme a une influence sur tes pratiques artistiques ?
Après avoir eu une longue période de représentation très féminine où je revendiquais et m'affirmais en tant que femme, je tends maintenant vers une représentation où le genre n'est pas visible. J'aborde des sujets et j'utilise des techniques que tout artiste quelque soit le genre peut aborder et utiliser. Même si je parle de sujets féministes parfois dans mes œuvres, c'est aussi une affaire d'homme, ils pourraient avoir le même discours, la même approche.
❖ Pour toi, la pratique du Street art constitue-t-elle un moyen d'émancipation ?
Oui, comme toutes activités d'ailleurs. A partir du moment où l'on maîtrise ce que l'on produit, s'offrent à nous des choix qui peuvent amener à s'émanciper, gagner en liberté, obtenir des droits, ... Le Street Art offre un énorme potentiel de communication direct au public dans la rue, mais aussi indirectement via les réseaux sociaux à l'international, de fait les œuvres, leurs messages, les artistes et leurs engagements, véhiculent des idées qui se transmettent rapidement au plus grand nombre et donne matière à réfléchir pour avancer.
❖ Le street art est un environnement très masculin où les femmes restent minoritaires donc ma question est la suivante : le fait que des femmes pratiquent le street art permet-il de remettre en cause ce rapport de force entre les hommes et les femmes ?
Tout à fait car malheureusement il existe encore partout dans le monde des personnes aux pensées rétrogrades, qui persistent à croire que les hommes sont plus aptes à faire certaines activités. Celles et ceux qui pratiquent le Street Art, le graffiti et tous les Arts Urbains, sollicitent à la fois leurs forces physiques et mentales, chaque ouvrage est un challenge qui va nécessiter un grand travail de réflexion en amont et un effort intense du corps pour la mise en œuvre. Pour ça, en 2016, il n'est plus à prouver que femmes et hommes y arrivent en toute égalité.
❖ Les femmes dites « street artistes » sont-elles moins nombreuses que les hommes ou est-ce la faute des galeries qui mettent plus en valeur les artistes masculins ?
Effectivement si l'on en juge juste sur la représentation en galerie, les femmes sont, à ce jour, minoritaires. Je note toutefois depuis quelques mois une volonté, un peu maladroite, de vouloir mettre en avant les œuvres d'artistes féminines sous forme d'événements collectifs. En effet il y a des propositions d'expositions et d'événements pour montrer le travail des femmes dans le Street Art, trop souvent les propositions sont plates de sens, c'est réducteur, et ghettoïsant, je trouve ça tout aussi choquant que la discrimination positive. Je ne veux pas que mon travail soit reconnu parce que je suis une femme, mais qu'il soit montré et reconnu pour ses qualités.
❖ Y-a-t-il une œuvre que tu affectionnes le plus parmi toutes tes œuvres ?
L'œuvre qui compte le plus est celle de l'instant, celle que je suis en train de créer, elle a toute mon attention, j'essaye de lui donner tout le meilleur pour qu'au moment où je l'abandonne à ceux qui la regardent, elle parle d'elle même et qu'à cet instant je sois ailleurs à travailler sur une autre œuvre qui aura à son tour toute mon attention…
Propos recueillis par Asvini Vijeyaratna
C’est dans une interview exclusive, que l’artiste STOUL, évoque sa démarche artistique, la légitimité d’être une femme dans le Street art, la possibilité qu'apporte le Street art de véhiculer des messages ou encore le désir que «son travail ne pas soit reconnu parce qu'elle est une femme, mais qu'il soit montré et reconnu pour ses qualités. »